« Le modèle européen est le plus prometteur pour l’avenir »


Monde : croissance toujours soutenue mais qui se modère

« Quand on regarde la situation mondiale, on se dit que, évidemment, nous avons récupéré très largement, depuis la grave crise de fin 2008 et 2009. Mais en même temps, nous sommes tous frappés de constater que la croissance n’arrive pas à maintenir le rythme soutenu qu’elle avait il y a encore quelques trimestres, et nous ne voyons pas, pour le moment, la possibilité de retrouver les rythmes que nous avons connus dans les années 2000. C’est peut-être la nouveauté que la crise nous apporte. Aujourd’hui, et c’est le message que nous voulons faire passer, nous ne pouvons pas dire « nous sommes pessimistes ». Nous ne pouvons pas dire non plus : « nous sommes optimistes ». Ce que nous pouvons dire c’est que nous devons être vigilants. C’est que nous devons être créatifs, c’est que nous devons continuer à faire des efforts. Ce qui a changé au fond, depuis la crise, c’est que la normalité qui existait avant, n’existe plus. Ce qui a changé depuis la crise, c’est qu’il y a des paradoxes, des incertitudes dans chaque lieu, à chaque instant. Et que, bien souvent, l’avenir économique, l’évolution de la situation économique dépend de critères que nous ne pouvons pas maîtriser, particulièrement nous, en France. Hier, le Medef a reçu tout le Conseil exécutif du Keidanren, le patronat japonais. C’était une rencontre, de très haut niveau, s tout-à-fait intéressante pour échanger et évaluer les délais de remise en route de l’économie japonaise et en particulier de son industrie si importante pour toute notre supply chain. Un risque comme celui-ci n’était pas prévisible. Autre exemple : les difficultés rencontrées actuellement par le gouvernement américain pour faire évoluer le plafond des déficits, est une difficulté majeure et qui, selon qu’elle se résout ou pas, et selon la façon dont elle se résout, peut profondément changer nos perspectives économiques. Donc, l’objectif que nous devons avoir, c’est la vigilance.


France : un rebond fort au 1er trimestre 2011

Cela- dit, on voit, si nous examinons la situation française, des indicateurs tout-à-fait rassurants, tout-à-faits encourageants. Ainsi cet l’indicateur qui montre bien le fort rebond que nous avons connu au premier trimestre 2011, c’est le + 3,9. Même si nous savons que ce rebond est très lié à des éléments de reprise technique, compte tenu des difficultés des deux trimestres précédents, nous y voyons un signe tout-à-fait encourageant.


France : stabilisation de la production industrielle en mars et avril » 

De la même façon, quand on regarde l’évolution de la production, la courbe bleue montre la remontée de la production industrielle française depuis les moments difficiles de 2009. Evidemment, on est obligé de nuancer cette remontée de la production française par la comparaison avec l’évolution allemande. En effet, sii on compare la croissance de la courbe allemande à la croissance de la courbe française sur les douze derniers mois, on est à + 5 % dans la courbe française, alors qu’on est aux alentours de + 15 % dans la courbe allemande. Mais néanmoins, les choses vont dans le bon sens.


 France : orientation favorable des commandes grâce à la demande étrangère » 

Autre signe tout-à-fait encourageant : l’orientation très favorable des commandes. Là aussi, nous sommes uniquement sur la France, vous voyez que les commandes étrangères, c’est la courbe rouge, progressent vraiment d’une manière continue depuis maintenant plusieurs mois, et la commande étrangère est aujourd’hui supérieure à la demande purement nationale, enfin, elle se démarque par rapport à l’ensemble de la demande d’une manière telle que nous avons le sentiment de bien profiter de la croissance globale.


182 000 emplois créés dans les entreprises depuis un an

L’autre signal vraiment positif, même s’il n’est pas encore suffisamment fort pour être totalement satisfaisant, c’est la création d’emplois dans les entreprises. Nous n’avons pas cessé d’améliorer la situation, là aussi, ces douze derniers mois, et en particulier au cours du dernier trimestre.


L’industrie et la construction ont cessé de perdre des emplois au 1er trimestre 2011

 D’ailleurs, si l’on fait un focus plus particulier sur la création d’emplois par secteurs d’activité, ce qui semble tout-à-fait intéressant à souligner, c’est qu’au cours du premier trimestre 2011, tous les secteurs d’activité français ont été créateurs nets d’emplois. Tous les secteurs. Cela, c’est tout de même la marque du début de l’année 2011, c’est vraiment une marque positive et encore une fois, encourageante.


Accélération des dépenses des entreprises

Ce qui va également dans le même sens, c’est l’accélération des dépenses des entreprises. La phase de déstockage dont on avait beaucoup parlé pendant la crise est terminée, est l’on est, au contraire, désormais dans une phase de restockage, avec une courbe sur les investissements purs, c’est-à-dire hors effets de stocks – courbe bleue– qui est bien pointée vers le haut. Donc, là aussi, c’est à mettre du côté des signaux positifs.


Redressement des profits bruts, fléchissement des profits nets

 Et puis, dernier signal, évidemment très regardé par les analystes économiques soucieux de la santé des entreprises, nous avons sans aucun doute, sur 2011, un redressement des profits bruts des entreprises. Sur les profits nets, la situation est un peu différente. La différence, c’est la pression fiscale, mais je ne m’attarderai pas ce matin sur ce sujet, on parlera peut-être fiscalité un jour, pour le moment, je veux voir d’abord cette bonne nouvelle qui est le retour à un niveau acceptable des profits.


Forte reprise des budgets d’investissements dans l’industrie en 2011


Entreprises : la demande de crédits s’accélère

Et évidemment, fort logiquement on voit du coup une reprise des budgets d’investissement des entreprises, avec son corollaire, une accélération de la demande de crédits.


Zone euro : fort rebond au 1er trimestre 2011 »

Des signaux, donc, encourageants, et je voudrais tout de suite passer de la France à la zone euro. Là aussi, mesurons l’amélioration de la situation et ayons à l’esprit que dans l’ensemble de la zone euro, il y a eu un fort rebond de la croissance au premier trimestre 2011, + 3,3, ce qui donne + 2,5 en rythme annuel. Nous sommes donc dans, là aussi, quelque chose d’intéressant pour évaluer la situation et la performance de la zone euro. Ce n’est pas neutre. A un moment où aux yeux de certains, la zone euro est déstabilisée, à un moment où par d’autres elle est violemment critiquée, mesurons bien que la zone qui est inscrite dans l’ensemble de l’Union européenne et qui donc fait partie de la première puissance économique mondiale est dans une forme qui n’est pas si mauvaise que cela. J’insiste sur une chose : l’Europe, au-delà de la zone euro, l’Europe est la première puissance économique mondiale devant les Etats-Unis, devant le paquet global que l’on pourrait faire en additionnant la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud.


Zone euro : un début 2011 très inégal

Evidemment, il y a une inégalité au sein de la zone euro. On a tous à l’esprit la gravité de la situation grecque. On le voit d’ailleurs sur ce graphique, avec le plongeon du PIB grec que le premier trimestre 2011. Mais voyons aussi que pour un certain nombre de pays-clefs de la zone euro, nous avons eu des croissances de premier trimestre vraiment très bonnes. Prenons la Finlande par exemple. La Finlande compense bien, d’une certaine façon, la Grèce. Et puis, évidemment, nous avons avec l’Allemagne et la France des atouts très forts.


Zone euro : le frein des déficits publiques


Zone euro : les taux sur les dettes souveraines reflètent un déséquilibre de nature inédite

C’est peut-être le chart le plus important. On voit dans ce graphique, l’évolution des déficits publics des principaux pays de la zone euro en pourcentage du PIB. Le bleu clair, c’est 2008, ensuite, le bleu un petit peu plus soutenu, c’est 2009, le bleu encore plus soutenu, c’est 2010 et le bleu équivalent à celui du drapeau français, c’est 2011. Nous avons évidemment, pour quelques pays, l’Irlande, la Grèce, l’Espagne, des situations de déficits et de ratios de déficits par rapport au PIB tout-à-fait préoccupants. Mais le reste est dans une zone que nous pourrions qualifier de pas tout-à-fait satisfaisante, et qui n’est pas non plus dramatique. Et nous savons que si nous continuons tous à faire le travail et les efforts que beaucoup d’entre nous ont déjà accomplis, l’Allemagne depuis plusieurs années, la France depuis quelques années notamment avec la réforme des retraites. Nous savons que si nous continuons sur cette voie des efforts, nous aurons globalement une situation tout-à-fait acceptable des déficits. Or cette question est clef, y compris pour résoudre la question grecque. La question de la Grèce, vis-à-vis des marchés, ce n’est pas tellement la question de la seule solvabilité de la Grèce, c’est bien plutôt la question de la solvabilité de l’ensemble de la zone euro. Or, on voit bien qu’avec ces niveaux de déficits qu’il conviendrait de réduire encore mais qui sont quand même encore une fois dans des zones gérables, et le niveau de croissance indiqué précédemment, la question de la solvabilité de la zone euro ne se pose pas. Nous avons donc une Europe, et à l’intérieur de l’Europe une zone euro, qui est la première puissance économique du monde, avec des déficits certes encore excessifs mais dont on sent bien que la réduction est à portée de main. Aussi, quand nous disons notre confiance dans l’Europe, notre confiance dans la zone euro, notre confiance dans l’euro, ce ne sont pas de simples déclarations de principe. C’est bien sûr le signe de l’attachement au travail considérable que, depuis des décennies, nous faisons tous pour la construction européenne, mais c’est aussi tout simplement la démonstration d’une vérité sur notre potentiel. Bien sûr, tout ceci nécessite des ajustements, des évolutions de gouvernance, des apprentissages réciproques. Il convient que chaque pays apprenne le meilleur de ce qu’ont su faire les Allemands, mais aussi que les Allemands voient les atouts de ce que d’autres ont su réaliser. Et puis, je pourrais parler de bien d’autres pays. C’est l’apprentissage réciproque de nos différents modèles qui constitue notre force, notre atout.


Etats-Unis : marché immobilier toujours déprimé


Etats-Unis : confirmation du ralentissement au printemps

Quant aux Etats-Unis car, comme je vous l’ai dit, il ne s’agit pas d’être béatement optimiste ni masochiste et catastrophique. Mais il s’agit de bien voir qu’il y a des risques, des zones d’incertitudes et des fragilités. Parmi celles-ci, il y a l’évolution des Etats-Unis qui pourrait peser sur la croissance économique mondiale. Nous sommes frappés de voir que de nombreux indicateurs américains sont toujours dans le rouge et donnent un sentiment de difficulté. Par exemple, ce graphique sur le marché immobilier américain qui est toujours très déprimé. Par exemple, et c’est peut-être plus frappant encore, le ralentissement très marqué, au cours du printemps : les chefs d’entreprise américains ont des perspectives assez sombres, notamment dans l’industrie manufacturière. J’ai dit tout-à-l’heure les inquiétudes sur la position du Congrès et sur par conséquent l’évolution à court et moyen terme de la plus grande économie de la planète en termes de taux de croissance de ces dernières années.


Un fléchissement de la production industrielle

Tout ceci contribue, effectivement, à un fléchissement de la production industrielle, si on regarde les choses à l’échelle mondiale ces derniers mois. Ce fléchissement d’ailleurs, est très marqué pour les pays industriels, mais il est également observable dans les pays émergents. Les pays émergents souffrant notamment d’une inflation qui a conduit à des politiques monétaires restrictives et donc à des hausses de taux d’intérêt pénalisantes pour l’économie de ces pays.


Monde : l’hypothèse des finances publiques dans les économies avancées

Au total, je terminerai par ce tableau qui résume ce que je viens de dire sur la force de l’Europe et de la zone euro en particulier, comparée aux grands pays avancés, notamment si l’on regarde la situation des finances publiques. Les déficits publics de la zone euro, si l’on fait une moyenne, sont à des niveaux sans comparaison avec ceux du Japon par exemple ou des Etats-Unis. Nous sommes à -4,3 sur 2011, en prévisions 2011 en zone euro, alors que nous sommes à - 10 aux Etats-Unis et à - 9,7 au Japon. Je résume en un mot ce que je viens de dire, en un mot, plutôt en une phrase : moi, je crois que l’Europe va gagner. Aujourd’hui, les discussions sur l’aide à la Grèce peuvent sembler compliquées et difficiles et en même temps, l’objectif est clair pour tout le monde : il s’agit effectivement, de trouver le bon compromis, le bon ajustement entre l’aide qui va venir des états et la contribution volontaire du secteur privé, mais je crois que, à la fin, beaucoup considèreront que c’est notre modèle, le modèle européen qui est le plus prometteur pour l’avenir. »